Tri des déchets alimentaires : où en est-on un an après l’échéance ?

Chronique de l'économie circulaire n° 4

 Septembre 2025   Sanoussy Kaba, Audryna Vesta

En 2015, la loi demandait aux collectivités de mettre progressivement en place le tri des biodéchets et leur donnait 10 ans pour sa généralisation. L’échéance du 1er janvier 2024, intégrée au PRPGD, est maintenant bien derrière nous. Les biodéchets se répartissent entre les « déchets verts » ou de jardin et les « déchets alimentaires » ou de cuisine. Les collectivités franciliennes ont été interrogées au début de cette année sur la mise en place du tri des déchets alimentaires. 

Une couverture encore partielle en Île-de-France

Le « tri à la source » des biodéchets regroupe l’ensemble des solutions qui permettent de les traiter séparément des autres déchets. Pour les déchets alimentaires, deux grands moyens sont proposés : la collecte séparée et le compostage de proximité.  

Le compostage désigne le processus de transformation, en présence d’oxygène et d’eau, de déchets organiques par l’action de micro-organismes (champignons microscopiques, bactéries, etc.) en un produit comparable à l’humus, valorisable en agriculture et en jardinage : le compost. Ce mode de traitement se déploie à un niveau industriel, notamment pour les déchets de jardin (déchets verts). Mais il a aussi la particularité de pouvoir être développé à un niveau individuel ou à très petite échelle (quartier, immeuble...), on parle alors de « compostage de proximité ». 

Le compostage domestique ou individuel consiste, pour un foyer, à composter ses propres biodéchets (déchets verts, déchets de cuisine…). En Île-de-France, cette pratique concerne 5% de la population, soit 658 485 habitants au 1er janvier 2025 selon les déclarations des collectivités. Ce chiffre ne prend pas en compte le compostage domestique issu d’initiatives personnelles en dehors des démarches des collectivités pour développer cette pratique (distribution de composteurs, animations, etc.). 

Le compostage partagé, qu’il soit de quartier ou en pied d’immeuble, est pratiqué sur une aire collective composée généralement de trois bacs (biodéchets, structurant, maturation) et permet aux habitants de déposer leurs déchets alimentaires près de leur domicile. En Île-de-France, début 2025, près de 159 000 habitants participent au compostage partagé, dont 38 000 dans le cadre du compostage de quartier et 121 000 via le compostage en pied d’immeuble. Une pratique encore discrète, qui ne concerne environ 1 % de la population.  

La collecte séparée (ou sélective) consiste à collecter chaque flux de déchets trié (bouteilles en verre, emballages, déchets verts, déchets alimentaires, etc.) pour l’acheminer vers une filière de valorisation spécifique. Concernant les déchets alimentaires, la grande majorité est aujourd’hui dirigée vers la filière de méthanisation, qui permet de produire du gaz naturel à partir de la fermentation des biodéchets. Au 1er janvier 2025, près de 1,9 million d’habitants, soit 15% de la population francilienne, ont accès à la collecte séparée des déchets alimentaires, selon les déclarations des collectivités. 

Au total, à travers le compostage de proximité ou la collecte séparée, environ 22 % de la population francilienne, soit 2,7 millions d’habitants, disposent d’une solution de tri à la source des déchets alimentaires selon les données fournies par les collectivités.  

Répartition de la population ayant accès aux différentes solutions de tri des biodéchets (données déclaratives)

Les collectivités prévoient une montée en puissance dans les prochaines années ; les taux de couverture régionaux projetés seront ainsi de 62% en 2028 et 73% en 2031. Plus de la moitié des Franciliens resteraient néanmoins non desservis jusqu’en 2027.  

Part des habitants desservis au 1er janvier par au moins une solution de tri à la source des déchets alimentaires

La collecte séparée privilégiée en zone centrale

Le territoire de la métropole du Grand Paris (composé de douze établissements publics territoriaux - EPT) bénéficie d’un taux d’habitants desservis par une solution de tri deux fois supérieur aux territoires de grande couronne : 29 % contre 14 %

Les solutions de tri des biodéchets en fonction de la population : EPT vs Grande Couronne (données déclaratives)

Malgré une couverture encore faible, les tonnages de déchets alimentaires collectés par les collectivités progressent rapidement. Entre 2023 et 2024, les volumes collectés ont augmenté de 47%, atteignant près de 19 000 tonnes. Les tonnages collectés dans le cadre du service public des déchets proviennent à la fois des gros producteurs (petite restauration…) et des ménages. En 2023, on compte 9 collectivités assurant la collecte auprès des ménages et 15 pour les gros producteurs. On observe une dynamique positive du côté des ménages car leur part dans les tonnages collectés est en progression : alors qu’elle représentait 21% en 2022, elle atteint 36% en 2023.  

Collecte des déchets alimentaires par le service public (ménages & gros producteurs)

La collecte peut être organisée en « point d’apport volontaire » (habitants desservis par la collecte en point d’apport), via des conteneurs fixes (11% de la population), ou par une desserte de chaque habitat individuel ou immeuble en « porte-à-porte » (PAP), grâce à des bacs individuels ou partagés (4%). 

Part de la population ayant accès à la collecte séparée (données déclaratives)

Le compostage préféré en grande couronne, progresse 

En 2024, plus de 4 400 sites de compostage de proximité ont été recensés, principalement en pied d’immeuble. Près de 658 000 habitants, notamment en grande couronne, ont accès à un composteur individuel fourni par leur collectivité, soit 5% de la population régionale.  

4 429 sites de compostage de proximité

Une combinaison de solutions

Les collectivités Franciliennes déploient généralement diverses solutions de tri à la source des biodéchets de manière combinée. Leur répartition hétérogène, se concentre principalement au sein des EPT, c’est-à-dire dans les zones à forte densité de population.  

Des marges de progrès importantes

Le gisement des biodéchets est divisé en trois catégories : le gaspillage alimentaire, les déchets alimentaires et les déchets verts.  

Le gaspillage alimentaire est défini comme toute nourriture destinée à la consommation humaine, qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée. On estime le gaspillage alimentaire à environ 24 kg par habitant chaque année.  À l’échelle des foyers franciliens, ces volumes sont loin d’être anodins : près de 300 000 tonnes par an, soit environ 30% du gisement total du gaspillage alimentaire ménager.  

Les déchets verts, tontes de pelouse, tailles de haies, branchages, représentent une part importante des déchets résiduels : environ 170 000 tonnes par an, soit 14 kg par habitant. Cependant le tri des déchets verts existe depuis des années, soit par des collectes saisonnières organisées dans le cadre du service public, soit dans les déchèteries publiques. Ainsi, environ 350 000 tonnes de déchets verts sont déjà collectées séparément chaque année et sont orientées vers le compostage industriel, soit un taux de captage de 67%. 

Les déchets alimentaires (restes de préparation ou de repas), représentent environ 520 000 tonnes chaque année dans la région, soit près de 42 kg par habitant, à comparer avec les 19 000 tonnes collectées séparément en 2024 (3,6%). Ce chiffre s’explique, d’une part, par le retard accumulé dans la mise en place effective du tri à la source, et d’autre part par la difficulté des usagers à s’approprier ce nouveau geste, encore peu ancré dans les habitudes dans le contexte particulier d’une densité très forte.  

Le tri des biodéchets en Île-de-France

Pour rappel, le tri des emballages ménagers en place depuis 30 ans présente des performances encore très basses et peu évolutives. Depuis le lancement de l’objectif de généralisation progressive du tri à la source des déchets alimentaires en 2015 et malgré une forte accélération après l’échéance de 2024, la dynamique semble en deçà de celle des emballages ménagers. Les tendances et perspectives observées ne paraissent pas de nature à réduire massivement les déchets valorisables dans les ordures ménagères résiduelles (cf. Note rapide Déchets Alimentaires - ORDIF 2023). 

Contexte de l’enquête

Chaque année, l’ORDIF réalise une enquête détaillée sur les Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) auprès des collectivités. Le recueil de ses données poursuit trois objectifs :

  • Permettre aux acteurs du territoire de se situer dans l’écosystème francilien de la prévention de gestion des déchets 
  • Alimenter le suivi de la planification régionale, actuellement le PRPGD adopté par le Conseil Régional d’Île-de-France en 2019.
  • Participer au rapportage national et européen du secteur des déchets à travers les outils et processus mis en place par l’ADEME (base de données SINOE).
    • Pour disposer des données le plus récentes sur les DMA en Île-de-France, l’ORDIF publie chaque année une notice. La dernière notice DMA 2023.
    • Notre Cartoviz détaille l’organisation institutionnelle des déchets à travers une cartographie interactive. 

L’an dernier, dans le cadre d’une démarche nationale et en partenariat avec la Région Île-de-France, l’ORDIF a mené pour la première fois une enquête spécifique dédiée au tri à la source des biodéchets en Île-de-France. Cette édition, réalisée en 2024, a permis d’établir un premier état de lieux des actions mises en œuvre par les collectivités, sans toutefois mesurer la part des populations desservies de manière opérationnelle. L’évaluation des habitants desservis a ainsi été intégrée dans l’enquête 2025. 

Pour approfondir sur les biodéchets

Des méthodes d’estimations standardisées à construire
Les collectivités territoriales ont recours à un ensemble de méthodes de calcul hétérogènes pour l’élaboration de leurs données. 
Dans un souci de comparabilité des différentes déclarations des collectivités, des méthodes de calcul dites « harmonisées » ont été modélisées (dans le cas du compostage de quartier et de la collecte en point d’apport volontaire) par l’ORDIF à partir de standards puis appliquées aux données.
Ces méthodes reposent sur des indicateurs standards permettant d’estimer la population desservie en fonction des types d’équipement : 

  • Compostage en pied d’immeuble : 20 habitants par composteur1   
  • Compostage de quartier : 50 habitants par point de compostage2
  • Collecte en point d’apport volontaire (PAV) : 500 habitants par conteneur3  
  • Collecte en porte-à-porte : 1 bac correspond à 1 foyer, soit en moyenne 2,2 personnes4

En zone rurale, un point d’apport volontaire (PAV) dessert 250 habitants au maximum4. En revanche, en zone urbaine, un point d’apport volontaire (PAV) peut être utilisé par l’ensemble des habitants situés dans un rayon de 500 mètres. Dans ce contexte, l’ORDIF estime qu’un rayon de 500 mètres en zone urbaine correspond en moyenne à 500 habitants. Cette approche met en lumière des écarts considérables entre les données déclaratives des collectivités et les données corrigées. Par exemple, le taux de couverture de la population Francilienne, passe de 22% à 16% après correction des données, soit une baisse de 2,7 à 2 millions d’habitants. 

1  ADEME & Région Bourgogne-Franche-Comté. Règlement AAP Tribio 2022 – Généraliser le tri à la source des biodéchets en Bourgogne-Franche-Comté. Édition 2022, p. 12.
 Arrêté du 7 juillet 2021 pris en application de l’article R.543-227 du code de l’environnementJournal Officiel de la République française n° 0193 du 20 août 2021, texte n° 3, art. 2 ; [Pour un compostage de quartier, peuvent être comptabilisés tous les habitants situés dans un rayon de 250 m autour de l’installation. À l’ORDIF, nous estimons que dans un rayon de 250 m, 50 habitants pourraient être engagés dans ce dispositif.]  
3  Arrêté du 7 juillet 2021 pris en application de l’article R. 543-227-2 du code de l’environnement, Journal Officiel de la République française n° 0193 du 20 août 2021, texte n° 3, art. 2
4  ADEME & Région Bourgogne-Franche-Comté. Règlement AAP Tribio 2022 – Généraliser le tri à la source des biodéchets en Bourgogne-Franche-Comté. Édition 2022, p. 12.

 

 

 Sanoussy Kaba  
#Déchets #DMA 
@ ORDIF / L'Institut Paris Region

 

 

 Audryna Vesta  
#Déchets #DMA 
@ ORDIF / L'Institut Paris Region

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